20/04/2011
Un médecin, de Médecine Générale, peut-il soigner sa famille : deux exemples
Crédit Photo : http://wikini.ten.laval.tuxcafe.org/
Je suis trop cartésien, c’est mon coté psycho rigide.
Ce trait de caractère a des avantages et des inconvénients.
Les avantages sont multiples : une aptitude à analyser décortiquer les problèmes ceci pour lutter contre l’anxiété et le fait de pouvoir maîtriser les situations et les problèmes ; ceci est un trait essentiellement positif.
Parmi les inconvénients, il y a une certaine froideur affective, apparente, avec, dans la jeunesse, une certaine « brusquerie » qui se gomme, un peu, avec l’âge.
Ce trait de caractère m’a, malheureusement, pour moi, permis de soigner, sans trop de problème, si ce n’est le stress que cela représente, des membres de ma famille, c’est quand « j’étais jeune ».
Premier exemple : une parente de 50 ans, je venais juste de m’installer, je ne sais pour qu’elle raison je lui fait passer une radio du bassin (certainement une douleur à la hanche) qui met en évidence une « insuffisance de couverture du toit du cotyle », je lui fit pratiquer une « coxométrie » qui confirma cette pathologie. L’insuffisance du toit du cotyle évoluer vers une coxarthrose (arthrose de la hanche), d’autant plus qu’elle se portait plutôt bien. Je lui conseillais de voir un chirurgien orthopédiste. Devant ma brusquerie, mais aussi des évènements familiaux imprévus, elle a fui… 20 ans plus tard elle se faisait opérer d’une prothèse totale de hanche bilatérale.
Deuxième exemple : Une parente proche de 90 ans, une force de la nature, psycho rigide elle aussi, que je soigne pour une Hypertension artérielle modérée, fait une hémoptysie. Je l’adresse en consultation de Médecine Interne ; on part sur une tuberculose mais, quelques mois plus tard, devant l’inefficacité du traitement, mais surtout devant l’apparition d’une tumeur du poumon, le diagnostic tombe : cancer du poumon, chez une patiente qui n’a jamais touchée une cigarette de sa vie. L’évolution fut horrible, elle m’appela, un jour car elle avait très mal au dos et ne pouvait se déplacer que très difficilement, elle avait aussi des fourmillements dans les deux jambes, a l’hospitalisation, qui fût à l’origine d’un conflit de famille avec son fils, les choses allèrent vite. Elle développa une paraplégie (paralysie des deux membres inférieurs). Elle fut mise sous morphine, et quand je passais, elle voyait son mari à la fenêtre de la clinique, cela faisait longtemps qu’il était décédé, c’était un effet secondaire de la morphine qui touche très fréquemment les personnes âgées, le traitement un neuroleptique (HALDOL*), effectivement cela marcha. Puis elle rentra en maison de retraite, elle n’y resta pas longtemps, 15 jours, le temps de développer deux escarres sur les deux talons, une saloperie. En quinze jours c’était fini. Deux jours avant sa mort, elle me confia, toute heureuse : « Hier, j’ai mangé un flanc succulent ».
Dans ces deux cas le recul nécessaire à une bonne prise en chargez médicale était là, et en plus, je déléguais aux spécialistes. Mais…
Maintenant, l’âge aidant, je conseille, fortement, d’éviter ce genre de situation : soigner sa famille. Dans ce cas, on joue, quelque part, un peu, à l’apprenti sorcier.
07:50 Publié dans Anecdote, La pensée du jour, Médecine, Santé, Vie pratique | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
J'ai été amenée à soigner des membres de ma famille mais pour des petites choses (pansement simples, HBPM, surveillances de plâtres et mes enfants évidement).
La distance kilométrique a aidé à ma non prise en charge, au grand malheur de mon père lors de son accident de moto.
Mon père qui disait toujours qu'il ne voudrait jamais que je le soigne mais son regard disait le contraire.
Lors de son stade terminal de son triple cancer, j'ai assumé les 10 derniers jours de sa vie, en soins palliatifs stricts. Ma mère me reproche encore la seule fois, où, j'ai été obligée de lui faire mal pour son confort ...
Le comportement de ma mère envers moi a changé depuis ce jour, au point de donner priorité aux dire de ma fille et non aux miens (Problèmes en cours...).
Mes propres frères et soeurs m'ont demandé si j'avais, pendant le sommeil de tous, "poussé l'injection fatale"
Mais je ne regrette pas de m'être occupé de mon père.
Par contre, j'ai été professionnelle tout le temps. Ce qui a un peu contrarié ma famille.
C'est après le constat de décès et la toilette mortuaire que je me suis effondrée... pour ne toujours pas m'en être complètement remise, 4 ans plus tard.
Si c'est à refaire... je le referais
Bisous Kinia
Écrit par : kinia | 21/04/2011
@ kinia - il y a deux mots que tu dis et que je ressent pleinement : professionnelle et effondrée.
Écrit par : Docteur Sangsue | 21/04/2011
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